« Je reviendrai » fut la dernière parole de Patrick Damien, tueur en série et écrivain à succès, avant de se suicider le dernier jour d’audience de son procès.

Plusieurs années plus tard, des crimes sont perpétrés en prenant exemple sur les meurtres commis par Damien dans ses romans. De plus, un exemplaire de son dernier livre, « Sous le voile », est retrouvé près des corps.

 

Les lieutenants Lonvin et Neuveux sont chargés de l’enquête qui les emmènera dans le monde secret des serials collectionneurs.  Leur enquête se compliquera, lorsqu’une journaliste interviendra dans leurs investigations, n’hésitant pas à mettre la vie des policiers en danger, afin de décrocher un scoop.

 

 

 

 364 pages

17 euros


Chapitre 1

        Lorsque le lieutenant Paul Dardieu arriva au tribunal de Saint-omer, il dut se frayer un chemin au travers de la foule criant sa haine contre la personne se faisant juger. Il dut jouer des coudes et ne pas hésiter à utiliser la force pour réussir à arriver devant la porte du palais, gardée par une dizaine de gendarmes en armes tentant tant bien que mal de résister à l’assaut de cette cohorte de vengeurs anonymes. Les personnes présentes criaient des messages de haine, Dardieu ne put s’empêcher de s’entendre hurler à ses oreilles « Crève ordure », « Si tu t’en sors, on aura ta peau », « Livrez le nous, on s’en chargera »  et bien d’autres messages de promesses de faire justice soi-même si le tribunal le relâchait. Une fois franchi le cordon de sécurité, le lieutenant monta quatre à quatre les marches du tribunal. Étant habitué des lieux, il se dirigea directement vers la salle d’audience qui l’intéressait. Lorsqu’il entra devant la porte, il dut montrer sa carte aux agents de police présents afin de pénétrer dans la salle où se déroulait le procès de Patrick Damien, jugé pour de multiples meurtres, tortures et actes de barbarie. Il fit un signe de tête à une jeune femme se retournant vers lui, le visage dur et le regardant avec des yeux ne disant qu’une chose, vengeance. Elle était présente depuis le début du jugement.

Malgré sa mine défaite et la haine creusant des sillons sur son visage, Dardieu ne put s’empêcher de remarquer que cela n’entamait en rien sa beauté. Le lieutenant sortit de sa torpeur lorsqu’il vit une main s’agiter. Il partit rejoindre Richard Pillon, un flic des stups et ancien coéquipier de Dardieu. Comme à son habitude, il mâchouillait un vieux morceau de cigare entre ses dents jaunies par le tabac.

        — Toujours à l’heure à ce que je vois.

        — C’est l’enfer pour venir ici.

        — T’as du temps pour la petiote pourtant.

        — Elle a besoin du soutien de toutes les personnes présentes étant dans son camp. Par contre, je ne pense pas qu’elle devrait venir tous les jours comme elle le fait, ce n’est pas bon pour elle.

        — C’est le dernier jour, le jury vient de revenir.

        — Encore un qui va vivre aux frais de l’État.

        — Dommage que la peine de mort n’existe plus pour des ordures pareilles, je serai même prêt à jouer au bourreau pour lui.

        — Avec tout le pognon qu’il a, je suis même étonné qu’il n’ait pas graissé la patte d’un juge ou deux pour se tirer d'affaire.

        Un brouhaha arriva du couloir, la foule déterminée à en découdre avait certainement réussi à forcer le barrage de la gendarmerie en sous-effectif, afin de réclamer si ce n’est justice… vengeance.

        — Eh merde !

        Les deux policiers se levèrent rapidement, ainsi que quelques autres collègues assistant à l’audience pour venir prêter main-forte aux forces de l’ordre totalement débordées. Pillon en profita pour appeler des renforts à l’aide afin de contenir la foule.

On pouvait à peine entendre le juge frapper de son marteau, réclamant le silence sous peine de faire évacuer la salle ou de remettre le jugement à plus tard. Dardieu ne pouvait le voir, mais il était certain que ce salopard de Patrick Damien affichait son sourire suffisant alors qu’il était assis sur le banc des accusées, son avocat véreux à ses côtés. Des gendarmes arrivèrent rapidement et le calme fut rétabli en moins de dix minutes. Certes, des cris et des invectives continuaient de pleuvoir çà et là, mais l’audience put reprendre dans un calme relatif. Dardieu repartit à sa place, mais sentit sa main se faire attraper au passage. La jeune femme aux yeux vengeurs lui adressa un petit sourire crispé. Le visage, blanc comme de la craie, faisait ressortir ses yeux noirs charbon. Le lieutenant lui caressa la main, lui démontrant ainsi son amitié et sa compassion. Elle était présente depuis le premier jour, première arrivée et dernière partie, ne prononçant jamais un mot. Même lorsque le procureur énonça les atrocités pratiquées sur le corps des victimes, elle ne fit rien d’autre que de serrer les poings. Dardieu se demandait souvent comment elle pouvait rester ainsi, sans proférer de menaces ou d’insultes envers ce sociopathe lorsqu’elle le voyait ainsi, dans son costume trois-pièces coupé sur mesure et affichant ce petit sourire narquois que le lieutenant lui aurait bien fait ravaler en même temps que ses dents à grands coups de pied. Lorsqu’il regagna son siège, il sentit le regard de la jeune femme pointer sur lui. Il aperçut également dans la salle, le capitaine David Rilleux, de l’IGS, les « bœuf carottes » comme on les appelait.

Ce surnom leur avait été donné par la manière dont il procédait, laissant « mijoter » leurs suspects de longues heures avant de faire tomber le couperet.

        — Que fait ce fouille-merde ici ?

        — Rilleux ?  Va savoir… avec lui…

Dardieu connaissait bien Rilleux, pour son plus grand malheur. Il était passé entre ses mains à plusieurs reprises au cours de ses nombreuses années de carrière. Notamment lors de l’enquête ayant conduit à l’arrestation de Damien où il avait employé des méthodes peu conventionnelles. Par la faute de ce flic, Dardieu avait été retardé dans son enquête et il était certain qu’au moins une victime aurait pu échapper à ce massacre si ce Rilleux ne lui avait pas mis des bâtons dans les roues chaque fois qu’il le pouvait. Le juge revint quelques instants après avoir été appelé en dehors de la salle. Les personnes présentes se levèrent et Dardieu put apercevoir ce meurtrier de Damien  rajuster sa cravate et souriant à pleines dents. Son crâne chauve brillait sous l’effet de la lumière diffusée dans le tribunal. De son regard bleu acier, il transperçait les personnes qu’il regardait. Dardieu avait même noté dans son rapport qu’il semblait pénétrer l’âme de ses victimes avant de s’attaquer à leur chair.        Il regarda les différentes personnes venues assister à son procès, une indifférence totale se lisait sur son visage. Il semblait se moquer totalement de ce qui lui arrivait. Son avocat se pencha pour lui parler à l’oreille, mais ce qu’il lui dit ne sembla pas lui plaire, car il repoussa son avocat d’un geste brusque et rapide. Le juge, Marc Duchamp, frappa à plusieurs reprises de son marteau afin de ramener le calme et faire taire les derniers indélicats qui n’avaient pas vu que l’audience reprenait.

Le juge était un homme d’un certain âge, au crâne dégarni avec de petites lunettes rondes sur le bout du nez. Il regarda Damien par-dessus ses verres et fronça les yeux.     

Damien se passa la langue sur les dents, faisant un clin d’œil au juge, qui remettait en place son dossier. Il tenait entre ses mains plusieurs feuilles qu’il tapota sur son bureau afin de bien les mettre en tas.

        — Nous sommes aujourd’hui rassemblés afin de prononcer la sentence concernant le procès de monsieur Damien ici présent. Je dis bien sentence, car il est impensable dans l’esprit de qui que ce soit que vous soyez rendu à la liberté.

        L’avocat de Damien, maître Christophe Plennen, se leva afin de protester contre les paroles du juge, mais celui-ci ne lui laissa pas le temps de prendre la parole.

        — Maître Plennen, inutile de faire une plaidoirie, ce temps est passé… donc… assis ! 

Alors que l’ambiance n’était pas à la joie, quelques personnes ne purent s’empêcher de sourire devant la réaction de l’avocat au dire du juge.

— Nous sommes ici afin de vous faire connaître la décision du jury concernant les résultats de l’enquête dans l’affaire de monsieur Patrick Damien.

        Le juge lut le papier qui se trouvait dans l’enveloppe que venait de lui remettre l’assesseur. Il replia le papier et se racla la gorge, lançant un regard haineux à l’accusé. Damien gardait son calme, se permettant même de se moquer du juge en souriant tout en se dandinant sur son siège.

— Nous venons d’assister à l’un des pires procès auquel j’ai eu l’honneur de siéger.

— Objection monsieur le juge. Vos propos sont inqualifiables.

— J’ai déjà dit de vous taire maître Plennen.

— Les pièces apportées par l’accusation ainsi que les témoignages des médecins légistes et des policiers présents sur les lieux des meurtres m’ont mis le cœur au bord des lèvres à plusieurs reprises. Ces jours de procès ont été les plus répugnants qui m’ont été donnés de vivre de toute ma carrière, qui est pourtant très longue.

        Damien tendit un mouchoir au juge, se mettant à rire.

— Monsieur Damien, vos pitreries et votre manque de remords face aux crimes odieux que vous avez perpétrés vous condamnent à la prison à perpétuité sans aucune possibilité de liberté. Que Dieu est pitié de vous, car cela est au-dessus de mes forces de vous l’accorder.

        — Ce jugement est une mascarade, je ne reconnais pas votre justice, seule celle de mon maître à une valeur pour moi.

        — Silence monsieur Damien ! Inutile de tenter une nouvelle fois de vous faire passer pour un fou. Fou ! Oui, vous l’êtes, mais pas comme la justice le reconnaît, vous êtes un sociopathe de la pire espèce.

        — Monsieur le juge, je proteste vivement contre…

        — Silence maître Plennen ! Votre plaidoirie est terminée. Votre client est la dernière personne que je juge avant de partir vers une retraite grandement méritée et vous ne m’empêcherez pas de m’exprimer comme je le souhaite.

        — Mais…

        — Assis !

        Un silence assourdissant régnait désormais dans la salle d’audience.

Personne ne bougeait plus et même l’assesseur fut surpris de voir le juge agir ainsi.

        — Ce que vous avez fait à vos victimes est d’une horreur sans nom et j’espère que vous subirez les pires douleurs lorsque vous vous retrouverez en enfer monsieur Damien.

        Les rares journalistes, ayant reçu un pass afin de pénétrer dans la salle d’audience, prenaient des notes afin de ne rien rater de cette confrontation jamais vu dans un tribunal.

        — Emmenez-moi… cette chose hors de ma vue.

        Damien se leva, repoussant le gendarme venu le chercher, puis après s’être retourné vers les personnes présentes en riant à pleine gorge, il regarda le juge.

        — Pauvre larve au service d’une justice de pleutres. Vous pensez pouvoir m’atteindre, mais vous n’êtes rien… rien comparé à moi !

        — Gendarme… faites taire cet homme.

        La jeune femme, qui n’avait jamais dit un mot depuis le début du procès, se leva brusquement et sortit un revolver de son sac à main. Elle pointa l’arme vers Damien puis appuya sur la détente. Malgré le bruit qui régnait dans la salle d’audience, la détonation que fit le canon lorsqu’il cracha son projectile couvrit les cris et les protestations qui se faisaient entendre. La balle passa loin du condamné et frappa le mur de la salle, arrachant un morceau de béton. Dardieu se tourna vers la jeune femme qui appuya sur la détente une seconde fois, touchant le gendarme, qui emmenait Damien à l’abri, à l’épaule.            Le lieutenant sortit son arme, mais n’eut pas de temps de répondre au tir.

Rilleux l’avait précédé en faisant feu à deux reprises, touchant la jeune femme à l’épaule et au poignet.

Pillon arriva rapidement près de la jeune femme afin d’éloigner son arme et malgré sa blessure lui passa les menottes lui arrachant des cris de douleur.

Damien se mit à rire de nouveau de plus bel en voyant ce qui se passait. Lorsque les yeux se tournèrent vers lui, ils s’aperçurent que le prévenu avait pris l’arme du gendarme blessé et l’avait placée sous son menton. Aussitôt, les policiers présents dans la salle pointèrent leur arme en direction de Damien qui ne cessait de rire.

        — Je reviendrai…

        Damien appuya sur la détente, projetant le projectile mortel. Le haut de son crâne explosa, envoyant des morceaux d’os et de chair mélangés à de la cervelle bouillie sur le plafond de la salle d’audience. Plusieurs femmes présentes dans la salle s’évanouirent. La panique régnait dans le tribunal. De nombreuses personnes présentes sortirent de la salle en hurlant et en bousculant quiconque se trouvant sur leur chemin. Une gamine tomba sur le sol et fut piétinée par plusieurs personnes avant que la mère ne réussisse à la ramasser en pleurs. La salle était désormais vide à l’exception des quelques policiers présents. Dardieu rangea son arme dans son étui, puis quitta la salle à son tour laissant les légistes et les personnes concernées par la nouvelle enquête qui s’offrait à eux.